KADHAFI (M. AL-)

KADHAFI (M. AL-)
KADHAFI (M. AL-)

K DH FI MU‘AMM R AL- (1942- )

Né en juin 1942 dans le désert de Syrte, Mu‘ammar Ibn Ab 稜 al-Miny r al-Kadhafi (Qadd f 稜) est l’unique garçon d’une famille de la tribu des Kadhadhfa qui nomadisent entre Syrte et le Fezzan. À l’âge de sept-huit ans, il apprend le Coran et montre un grand intérêt pour le texte sacré et les attitudes pieuses.

Issu d’une famille bédouine extrêment modeste, il n’a pu avoir accès à un âge normal à l’enseignement primaire. En 1956, Kadhafi et sa famille quittent Syrte pour s’installer à Sebha, dans le Fezzan, où il suit les cours de l’école préparatoire. On peut dater de cette période le début précoce d’une activité politique, favorisée par des événements qui ont joué un rôle dans le développement de sa conscience politique (la crise de Suez et ses conséquences). Cette conscience prend la forme du nationalisme arabe dans ces années tourmentées que traversaient les pays arabes. Kadhafi n’a pas tout à fait dix-sept ans lorsqu’il crée une première «cellule» avec six des collégiens qui l’entouraient à l’école préparatoire de Sebha, Nasser et la révolution égyptienne étant pour lui et pour tout le groupe la «référence», la radio du Caire La Voix des arabes étant le média de cette attache. Il étudie ensuite à l’université de Benghazi, d’où il sort trois ans plus tard pour suivre une formation d’élève-officier à l’académie militaire.

En 1964, il crée avec ses compagnons le Comité des officiers unionistes libres, dont les principaux membres formeront ensuite le Conseil de commandement de la révolution (C.C.R.). Le projet de ce comité clandestin est de préparer le renversement du régime libyen et d’installer à la place un gouvernement «révolutionnaire» qui serait «nationaliste arabe», c’est-à-dire qui travaillerait pour unifier le monde arabe. Écartant volontairement l’usage de la violence, le groupe préfère agir par infiltration de l’armée. Le 1er septembre 1969, profitant de l’absence exceptionnelle du vieux roi Idris Ier, les membres du Comité des officiers unionistes libres prennent le pouvoir. Le monde et les Libyens ne connaîtront le nom du chef des auteurs de ce coup d’État, Kadhafi, que quelques semaines après, lors de son premier discours en tant que président du gouvernement, président du C.C.R., commandant en chef des armées et ministre de la Défense.

Les idées qu’il avance alors sont d’inspiration nassérienne: unité arabe comme objectif du nationalisme arabe, socialisme inspiré du Coran, anti-impérialisme et révolution par le peuple pour le peuple. Tout le monde comprend à ce moment que Kadhafi est le fils spirituel de Nasser. Cette dimension de la pensée du chef libyen va être une constante de son action politique; viendront s’y ajouter comme conséquences naturelles dans son esprit l’impératif de la libération de la Palestine et le combat à mener contre l’État hébreu. Jamais il ne se départira de ces objectifs.

Sur le plan de la politique intérieure, quatre mois après cette révolution, il promulgue la loi sur la «protection de la Révolution», qui condamne à mort tout opposant armé, et à la prison toute personne qui aurait critiqué le régime ou pris part à une manifestation. Par la suite, après avoir créé un parti calqué sur son homonyme égyptien, l’Union socialiste arabe, Kadhafi se retire de la scène politique, prétextant que la vraie révolution n’est pas accomplie, puisque la République arabe libyenne reste malgré tout un État classique et bourgeois gouverné par une administration sclérosée et improductive. Il réapparaît le 15 avril 1973 à Zouara, d’où il prononce un discours qui ouvrira une nouvelle ère: la révolution culturelle et populaire est déclarée, les lois sont suspendues, les opposants doivent être éliminés, le peuple doit être armé, la révolution de l’administration proclamée et toutes les théories importées contraires à l’islam et aux objectifs du «1er septembre» combattues. Ce discours, on s’en rendra bien compte par la suite, annonce la naissance de la «Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste». Dans le tome premier de son Livre vert , publié en 1976, Kadhafi exprime sa conception de la démocratie et demande qu’on donne le pouvoir au peuple organisé en comités populaires. Le tome II, publié en 1978, est consacré à l’économie et au socialisme kadhafien, le tome III (1979) aux «fondements sociaux de la troisième théorie mondiale». Kadhafi s’y présente comme le défenseur de la troisième voie: ni communisme, ni libéralisme, mais un socialisme d’inspiration coranique, proche de la conception du «contrat social» de Rousseau. Ce livre devient rapidement la loi fondamentale de la Jamahiriya, il est et demeure la référence pour toute la vie politique et économique du pays, même quand son auteur abandonne, dès 1986, le régime socialiste et opte progressivement pour l’économie de marché en privatisant une grande partie de l’industrie et tout le commerce intérieur. Les revenus du pétrole brut libyen permettent à Kadhafi de financer d’abord ses considérables achats d’armes lourdes pour mener ses vaines tentatives d’expansion, mais aussi un projet hydraulique cyclopéen, la Grande Rivière artificielle».

La politique étrangère de celui que les Libyens appellent depuis la proclamation de la Jamahiriya, le 2 mars 1977, Q ’id a レ- レawra («le Guide de la Révolution») est une succession de fiascos: voulant s’unir avec ses voisins arabes, il finit très vite par se brouiller avec eux, parfois jusqu’à atteindre le conflit armé (avec l’Égypte en juillet 1977). Il faut dire que Kadhafi a une conception très particulière de la politique arabe, les unions devant aller, pour lui, jusqu’à l’intégration politique. Il s’écarte une seule fois de sa démarche, lorsqu’il adhère à l’Union du Maghreb arabe, parce qu’il est convaincu qu’elle constitue une étape vers l’union totale: malgré cela, il est resté un membre instable et timoré de cet ensemble maghrébin. Sa politique africaine n’a connu que des échecs: après une action d’expansion idéologique et religieuse qui le mena à soutenir le régime d’Amin Dada, en Ouganda, il s’engagea dans un conflit ouvert et lourd en pertes matérielles et humaines avec le Tchad (à propos de la bande d’Aouzou), et même indirectement avec la France. Ce conflit se termina par un arrêt de la Cour internationale de La Haye, en 1993 (confirmé le 3 février 1994), en faveur du Tchad.

Dans le domaine de la politique étrangère, c’est l’affrontement avec les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France qui est le plus durable et probablement le plus lourd économiquement, tout en étant perçu par Kadhafi et par les Libyens comme le plus injuste. La doctrine américaine, depuis Ronald Reagan, est de considérer Kadhafi comme un dangereux activiste qui soutient et arme les mouvements terroristes internationaux. Pour le punir, les Américains ont bombardé, dans la nuit du 14 au 15 avril 1986, la résidence du chef libyen à Tripoli, ainsi qu’un quartier de Benghazi. Cet événement a contribué à la remise en cause d’un pan entier de sa politique économique de sa politique intérieure; il l’a incité aussi à réviser sa politique étrangère pour se réconcilier avec ses voisins (l’Égypte, par exemple). Une «perestroïka» à la libyenne semble s’annoncer. Mais très vite, ses agissements (ou la volonté des Américains de ne pas lâcher prise) le mettent à nouveau au ban des nations; en effet, la responsabilité des services spéciaux libyens est en cause dans deux attentats: l’explosion, le 21 décembre 1988, d’un Boeing de la PanAm dans le ciel de l’Écosse (270 victimes) et la destruction, le 19 septembre 1989, d’un DC-10 d’U.T.A. au-dessus du désert du Ténéré (171 victimes). Kadhafi refusa de livrer les présumés coupables pour les juger, en se prévalant du droit d’un État de ne pas extrader ses ressortissants. Il s’ensuivit une opération d’intimidation à son encontre qui aboutit à un embargo militaire et aérien décidé par l’O.N.U. et qui est systématiquement renouvelé depuis.

Kadhafi est sans doute un des hommes politiques les plus atypiques que le monde arabe ait produits, il exerce le pouvoir politique sans être institutionnellement chef de l’État (il est seulement commandant en chef de l’armée), au nom d’idées généreuses de démocratie populaire, mais son peuple ne bénéficie d’aucune liberté fondamentale (malgré l’adoption de la «Charte verte des droits de l’homme»). Il est un des derniers hommes d’État qui se réclament de l’anti-impérialisme et de l’anti-américanisme, et pourtant, quand son homologue irakien se trouve confronté à une guerre «inégale» avec l’Occident (1991), il ne fait rien pour l’aider. Ce Bédouin révolté, projeté dans un monde politique qui n’est pas le sien, continuant à préférer la tente aux palais des villes, reste comme il le dit lui-même «un opposant à l’échelle mondiale».

Encyclopédie Universelle. 2012.

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